samedi 31 mars 2018

Parcoursup et Lycée d’origine

Une difficulté (technique) de moins pour une difficulté (philosophique) de plus

par  Julien Gossa, blog d’Educpros, 29 mars 2018

Les choses se précisent sur l’étude des dossiers de candidature Parcoursup, dont on parlait ici et là, avant de poser la question de la prise en compte du lycée d’origine dans le tri des candidatures. Cette question a depuis évolué, notamment suite à la publication de nouveaux indicateurs sur les lycées et à des réponses obtenues auprès du ministère.
Une difficulté (technique) de moins : Comment trier les candidatures par lycée ?
 

vendredi 30 mars 2018

Mobilisation nationale contre la réforme, état des lieux


Sur l'affaire de Montpellier, les témoignages et les vidéos s'accumulent et désignent plusieurs professeurs de droit comme participants voire directement auteurs de coups portés sur les étudiant.e.s. Voir notamment l'enquête en cours de Médiapart :

Et celle de Libération avec plusieurs renvois vers d'autres organes de presse :
Sur la situation des mobilisations partout en France, voici une compilation d'infos et sources extraites de paris-luttes.info et de SLU  et de la liste [Prep.Coord.Nat] sur la situation actuelle :
  • Nancy : La fac est bloquée depuis le 22 mars. Voir sur Manif’Est. Aujourd’hui s’est tenue une AG d’environ 1000 personnes pendant presque quatre heures. Les débats, contradictoires, se sont tenus dans une ambiance tendue mais sans heurts.
    La reconduite illimitée du blocage a été votée par plus de 600 personnes. Les opposants au blocage ont totalisé environ 340 voix.
  • Limoges : Malgré un début poussif de la mobilisation en octobre, les choses se sont accélérées fin janvier, avec des AGs plus massives, des barrages filtrants et une bataille de tags dans le campus. Voir sur La Bogue.
  • Toulouse : Un bilan de la situation à Toulouse dans cet article. L’AG du Mirail du 26 mars (2500 personnes !) a reconduit à une très large majorité le blocage et l’occupation au moins jusqu’à jeudi.
  • Dijon : À partir du 26 mars 2018, des moments d’organisation contre la Loi Vidal auront lieu tous les lundi à 12h30 devant l’amphi Proudhon. Le 26, ce sera notamment l’occasion de répondre à l’appel à manif contre les attaques policières et fascistes sur les facs. Occupation de la MSH par les étudiants cet après-midi (28 mars).
  • Grenoble : 150 personnes ont tenté de perturber un colloque réunissant de nombreux acteurs de la militarisation des frontières (Frontex, Euromed Police, Europol) sur le campus de l’université, et se sont fait violemment réprimé.e.s par les flics. Voir sur CRIC.
  • Poitiers : Un amphithéâtre est occupé par les étudiants depuis la semaine dernière.
  • Rennes : grosse mobilisation depuis plusieurs mois sur le campus de Rennes 2. AG massives, blocages totals récurrents. Le 22 mars, le bâtiment de la présidence de Rennes 2 a été bloqué, ainsi que l’IEP (science-po). Suivi de la mobilisation sur expansive.info. L’amphi B7 a été réoccupé.
  • Strasbourg : Occupation par une centaine de personnes puis expulsion par les flics du Palais universitaire le 22. Le Palais universitaire a été réoccupé le 26 mars et tient. Aujourd'hui 50 étudiants ont réussi à s’introduire dans le bâtiment de la présidence et occupent l’amphi Alain Beretz.
    Ils négocient avec l’équipe présidentielle la mise à disposition d’une salle 24h sur 24.
  • Nantes : Campus de lettres et sciences humaines bloqué le 22, AG de 600 personnes. Après déblocage par la présidence dans l’après-midi, le blocus a repris vendredi 23 mars. Les revendications dépassent la question de la sélection puisqu’il s’agit aussi du droit des migrants qui occupaient un bâtiment de la Fac. Le 27, 1000 personnes en AG. Article Ouest France sur l’occupation de la fac de droit.
  • Bordeaux : Blocage le 22 et occupation toujours en cours à Bordeaux 2 depuis la première intervention policière
  • Lille : Occupation puis expulsion par les flics d’un amphi à Lille 3, blocage de l’IEP le 22, lundi 26 une AG qui se tenait à Lille 2 a été attaquée par des fafs, en réponse les participant-e-s à l’AG sont partis en manif sauvage dans les rues de la ville jusqu’à 22h. Manifestation des étudiants : l’université Lille 2 fermée cet après-midi par “prévention”. (France-info) Le Président de l’Université de Lille 2, en accord avec le doyen de la faculté de droit, a décidé d’annuler les cours et de fermer le campus de Lille - Moulins en prévision de la manifestation des étudiants, prévue cet après-midi à 14h.
  • Pau : Blocage de la fac les 21 et 22 mars, plus de 200 étudiant-e-s à la manif du 22 ce qui est très important pour une ville comme Pau.
  • Nice : Un collectif de lutte contre la casse de l’enseignement supérieur regroupant des syndicats de l’enseignement supérieur de Nice (FSU06, Solidaires étudiant-e-s Nice, CGT educ’action et bientôt d’autres) s’est constitué : il s’agit de sauve ta fac 06.
  • Montpellier : Outre les réactions à l’agression fasciste à la fac de droit, blocage reconduit à la fac de lettres. Le 27 mars, 3000 personnes en AG à Paul Valéry. occupation active votée à une très large majorité . Des cours substitutifs sont mis en place depuis 15 jours. La fac de droit et de science politique rouvre le 3 avril. Historique de la mobilisation par un enseignant de Montpellier
  • Lyon : Le 22, blocage du campus des Quais à Lyon 2.
  • Rouen : Ça commence à bouger à Rouen également. 200 personnes en AG le 27 mars.
    (liste non-exhaustive) Les universités de Rouen et Caen en partie bloquées « contre la sélection et la répression ».
  • Caen : A Caen le bâtiment occupé sur l’université a été évacué par la police en toute fin d’après-midi du 28 mars 2018.
  • Programme permanent à Tolbiac occupée   -  Commune libre de Tolbiac : jour 1 occupation contre la sélection
  • Nanterre : Prochaine AG, jeudi 29 à 12h30 en salle D1
  • Paris 8 : Rassemblement + AG jeudi 29 mars à 12h, devant la fac
  • Paris 7 : Prochaine AG le jeudi 29 mars à 12h30
  • Paris 1 St-Charles : AG du site le mercredi 28 mars à 11h
  • Paris 1 Tolbiac : AG jeudi 29 mars à 10h, amphi N
Il existe actuellement deux débuts de coordination pour le mouvement étudiant :
  • La Coordination Nationale de Lutte, qui s’est rassemblée à Rennes les 17 et 18 mars .
  • La Coordination Nationale Etudiante (CNE), qui s’était réunie une première fois le même week-end à Montpellier, avant de se retrouver de nouveau les 24 et 25 mars à Toulouse au Mirail.

Réforme de l’Université : pourquoi ça bloque ?

Georges Haddad, président de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne invité de France culture

écouter : 1ère partie / 2nde partie

jeudi 29 mars 2018

France 3: Sur les contractuels de l'éducation nationale

On compte plus d'un million de contractuels précaires dans l'administration, notamment dans l'Éducation nationale. Les deux enseignantes que France 3 a rencontrées ont le sentiment d'être la variable d'ajustement de leur académie. voir la vidéo

Faire barrage à la sélection : OUI À TOUTES ET TOUS LES BACHELIER.E.S - Appel du BN du 27 mars 2018

Le SNESUP appelle à démissionner des Commissions de sélection ParcourSup !

[...]
Dans les établissements, nombre de collègues refusent de répondre aux injonctions ministérielles de mise en œuvre du tri social. Ils ou elles hésitent ou s’interrogent sur les actions à entreprendre. Or, les formations du ministère à propos de Parcoursup ont montré que la plate-forme permet de dire « OUI » à tout le monde dès le 22 mai. Notre seul mot d’ordre doit être : OUI à toutes et tous les bachelier.e.s.
Plusieurs pistes d’action sont possibles. Le SNESUP-FSU en propose d’ores et déjà 3 en fonction des rapports de force locaux et des situations variées (filières « en tension » ou non, particularités géographiques, etc…).
[...]

Lire l'appel  /  Télécharger en PDF

mercredi 28 mars 2018

réunion du comité des personnels


Réunion du comité de mobilisation des personnels de l'université de Montpellier 3

ce jeudi 29 mars 10h-12h amphi C

ordre du jour :

- Actions du comité de mobilisation
- Revendications des personnels mobilisés
- lien avec le comité mobilisation étudiants
 


L’éducation au cœur du projet néolibéral


Derrière les réformes éducatives au Royaume-Uni et
 aux États-Unis : l’éducation au cœur du projet néolibéral

par David Giband et Nora Nafaa


Depuis la fin des années 1990, de nombreux pays occidentaux, prenant acte des dysfonctionnements de l’école (échecs et inégalités scolaires, faible qualification de la main d’œuvre, etc…) et plus largement de leur système éducatif, ont opéré un tournant au titre de politiques réformatrices visant à mieux adapter l’école et l’ensemble de ses acteurs (élèves, parents, enseignants et administratifs, du primaire à l’université) aux enjeux sociétaux et économiques. À la suite de Tony Blair et de son célèbre discours lors de la campagne électorale de 1997, résumant son programme politique à la formule : « Éducation, éducation, éducation », la question éducative est devenue un enjeu central des politiques publiques.

Dans le cadre d’économies mondialisées, interconnectées et hyper compétitives, l’éducation apparait à la fois comme l’un des moteurs du changement et de l’adaptation à la compétition globale, et comme le socle sur lequel se construisent les sociétés du XXIème siècle dans lesquelles une éducation réformée facilite autant qu’elle encourage les innovations (sociales, technologiques, …), l’adaptabilité, la flexibilité et la performance des individus dans des sociétés complexes. Ces réformes, initiées de façon concomitante au Royaume-Uni et aux États-Unis, modifient radicalement le cadre spatial et temporel dans lequel jusque-là se construisait le processus éducatif. L’éducation ne couvre plus un temps limité de l’individu (celui de sa jeunesse) mais s’inscrit dans un temps long et renouvelé (celui de l’apprentissage tout au long de la vie) et déborde du cadre normé de l’institution scolaire pour « s’ouvrir » à de nouveaux espaces : formations en entreprise, auto-formation par les individus eux-mêmes, dans le cadre associatif, familial, religieux, etc. Ces changements ne sont pas neutres. Tout d’abord, ils induisent l’idée d’une nécessaire dérégulation du système public éducatif, accusé de faillite et donc contraint à la réforme. Faillite souvent entretenue par un sous-investissement chronique, par un soutien tacite aux établissements privés, et par la relégation des plus modestes dans des écoles ghettos. Ce fut le cas de nombreux districts scolaires des grandes villes aux États-Unis (surtout celles peuplées par les minorités noires et hispaniques) où la faillite fut autant financière : incapacité à payer les salaires ou à entretenir les locaux, que pédagogique : échec massif, décrochage scolaire des plus modestes. La remise en cause souvent violente et partagée par de nombreux partis politiques (le New Labour au Royaume Uni, le parti démocrate aux États-Unis) de ce qui est présenté comme « le royaume de l’éducation publique » (image porteuse de nombreux clichés : le service public d’éducation comme une forteresse inattaquable, vieillotte, aux mains d’une aristocratie déconnectée de la société, clichés qui ne sont pas sans rappeler ceux sur le Mammouth) prépare ainsi l’opinion à une salutaire et indispensable réforme d’un système à bout de souffle. Ces réformes ont ensuite pour objectif d’introduire de nouveaux « opérateurs éducatifs » sur la scène scolaire : entreprises privées, fondations caritatives, secteurs associatifs, autant d’acteurs présentés comme plus aptes à offrir un cadre pédagogique innovant et flexible, mieux adapté à une demande supposée diverse, plus réactifs face aux enjeux de la société, davantage ancré dans la réalité du tissu socio-économique local. Le cadre spatial apparaît dès lors comme une contrainte qu’il s’agit d’adapter : carte scolaire, catchment areas et autres districts scolaires ne disparaissent pas mais les anciens périmètres, limites, normes qui les régissaient sont assouplis de façon à permettre davantage de mobilité (sociale, éducative, professionnelle, des parcours, etc…) et de flexibilité. Mobilité qui (comme l’ont montré de nombreuses études) bénéficie surtout aux plus aptes (socialement, culturellement et économiquement) et pénalise encore plus ceux appréciés comme des inaptes (enfants issus de foyers pauvres, à la mobilité scolaire contraintes par de multiples facteurs). À cela s’ajoute une dimension morale renvoyant l’éducation à la question individuelle du choix (le sacro-saint libre choix des familles et des individus inscrit dans un projet éducatif au long cours) que chacun est appelé à faire dans un système présenté comme ouvert (plus de contraintes de la carte scolaire) et offrant une large gamme d’opportunités éducatives.  
Ces réformes ne consistent donc pas seulement à une simple privatisation du système public d’éducation. Comme le montre l’exemple avancé des États-Unis, elles s’inscrivent depuis la réforme de 2002 (No Child Left Behind, traduite « aucun-enfant-laissé-pour-compte », on appréciera l’ironie du nom de cette loi) dans une néo-libéralisation des politiques éducatives se déclinant en plusieurs processus : la dérèglementation, la marchandisation de l’école (diversification et fragmentation de l’offre scolaire, encouragement aux  comportements consuméristes des parents, positionnement des écoles sur un marché compétitif et inégal via des classements ultra médiatisés), la légitimation et la moralisation de ces nouvelles politiques éducatives (notions de liberté, de libre choix et de droits mises en avant, convocation de la globalisation comme argument de réforme, banalisation des outils d’évaluation/sélection), et la privatisation, elle-même se déclinant sous diverses formes. Il existe une contractualisation des services éducatifs publics, fonctionnant selon les agendas politiques des élus locaux (l’éducation ne peut être qu’une affaire articulée au local), et adoptant un modèle entrepreneurial dans les discours et les pratiques (introduction des normes managériales dans l’évaluation permanente des élèves, des enseignants, des établissements, introduction de critères plus ou moins clairs de sélection dans certaines écoles). Cette contractualisation passe également par l’externalisation d’un certain nombre de services scolaires et parascolaires (éditions de programmes, restauration, transports, agences d’intérim pour les enseignants contractuels) impliquant la structuration d’un secteur économique puissant. Enfin, la financiarisation de l’école publique, au travers de la prégnance des questions budgétaires, mais également l’intervention d’acteurs privés gérant des écoles publiques à but lucratif, est révélateur de ce tournant (les Charter Schools). Depuis le début des années 2000, tout un secteur privé de l’éducation s’est construit autour de l’incroyable multiplication des charter schools aux États-Unis. Ces écoles relevant d’opérateurs à but lucratif (entreprises privées, fondations, etc..) ont prospéré au rythme de la fermeture des écoles publiques. Suite à la généralisation des normes d’évaluation contraignantes, les écoles publiques les plus en difficulté (ne répondant pas à des critères de réussites académiques standardisées à l’échelle nationale situées le plus souvent dans les ghettos noirs et hispaniques) sont fermées, les personnels licenciés et des opérateurs privés (les charter schools) invités à reprendre le flambeau d’une école publique en échec. Les charter schools (écoles sous mandat), appartenant à des opérateurs à but lucratif bénéficient des fonds publics pour gérer sur une période donnée un établissement scolaire en fonction de normes managériales perceptibles dans le recrutement des élèves et des enseignants, dans la gestion quotidienne comme dans celle du projet éducatif. Secteur économiquement rentable qui a conduit à l’émergence de grands groupes nationaux qui désormais développent des stratégies de développement, de rachat d’écoles selon la profitabilité supposée des marchés scolaires locaux. Source d’injustice sociale et raciale, ces écoles bénéficient de l’appui des administrations républicaines comme démocrates (celle de B. Obama ne faisant pas exception). La diversification des acteurs de l’éducation, publics et privés, ainsi que des sources de financement (taxes, impôts, philanthropie, entreprises privées, dons défiscalisés), participent de la déstructuration d’un service scolaire public affaibli, notamment dans les grandes villes. Cette privatisation des services publics d’enseignement, primaires et secondaires, va de paire avec une privatisation plus générale de l’ensemble des services publics.
Les réformes que connaissent l’école et l’éducation dans certains pays comme les États-Unis ne se résument toutefois pas à une « banale » privatisation transformant l’éducation en une marchandise. Elles sont plus largement au cœur du projet néolibéral qui fait de l’éducation l’épicentre d’un changement sociétal plus large poussant l’individu même à se réformer, à s’adapter en permanence à une société incertaine, changeante, évaluatrice, compétitive, sélective et morale. Plus qu’une marchandise, ces réformes font de l’éducation (désormais renvoyée à la question du choix individuel réduit à la formule du projet : éducatif, professionnel, etc…), une des bases morales et politiques du processus néolibéral (Harvey, 2014).


Pour plus d’éléments, il est possible de consulter les travaux suivants : 

Giband, D., 2003, « L'école et la métropole américaine à l'épreuve de la gouvernance. Nouvelles minorités, pratiques de l'espace scolaire et fragmentation métropolitaine/New minorities, school practices and metropolitan fragmentation: the American metropolis at the edge of governance », Annales de géographie, pp. 382-401.
Giband, D., 2014, « À l'école du pouvoir Migrants et territoires éducatifs dans les métropoles américaines », Outre-Terre, n°1, pp. 163-178.
Nafaa, N., Giband, D., 2016, « Les villes américaines/Obama et l’école: néolibéralisation et marchandisation des districts scolaires urbains », Urbanités, mis en ligne le 9 novembre 2016.
Nafaa, N., 2016, « Quand l’éducation fait son marché : ségrégation, marchandisation et néolibéralisation. L’exemple de Philadelphie », Géoconfluences, mis en ligne le 15 avril 2016.
Nafaa, N., 2017, « Déclin urbain et néolibéralisation de l’éducation, l’exemple de Pittsburgh aux États-Unis », Belgeo. Revue belge de géographie, [en ligne], n°2-3.

Sur la néolibéralisation de nos sociétés :
·         Harvey D., 1994, Brève Histoire du néolibéralisme, Paris, Les Prairies ordinaires, coll. « Penser/Croiser », 2014, 320 p.